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poème, comme dans la magnifique description d’un naufrage : toutes les strophes (encore que nul artifice typographique ne les désigne) finissent ainsi : « Le navire en détresse tire des coups de canon d’alarme ; mais il sombre avec lenteur… avec majesté. » Pareillement les litanies du Vieil Océan : « Vieil Océan, tes eaux sont amères… je te salue, vieil Océan. — Vieil Océan, ô grand célibataire, quand tu parcours la solitude solennelle de tes royaumes flegmatiques… je te salue, Vieil Océan. » Voici d’autres images : « Comme un angle à perte de vue de grues frileuses méditant beaucoup, qui, pendant l’hiver, vole puissamment à travers le silence », et cette effarante invocation : « Poulpe au regard de soie ! » Pour qualifier les hommes, ce sont des expressions d’une suggestivité homérique : « Les hommes aux épaules étroites. — Les hommes à la tête laide. — L’homme à la chevelure pouilleuse. — L’homme à la prunelle de jaspe. — Humains à la verge rouge. » D’autres d’une violence magnifiquement obscène : « Il se replace dans son attitude farouche et continue de regarder, avec un tremblement nerveux, la chasse à l’homme, et les grandes lèvres du va-