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qui, à l’exclusion de tout classicisme, forment la brève bibliothèque et la seule littérature admissibles pour ceux dont l’esprit, mal fait, se refuse aux joies, moins rares, du lieu commun et de la morale conventionnelle.

La valeur des Chants de Maldoror, ce n’est pas l’imagination pure qui la donne : féroce, démoniaque, désordonnée ou exaspérée d’orgueil en des visions démentes, elle effare plutôt qu’elle ne séduit ; puis, même dans l’inconscience, il y a des influences possibles à déterminer : « Ô Nuits de Young, s’exclame l’auteur en ses Poésies, que de sommeil vous m’avez coûté ! » Aussi le dominent çà et là les extravagances romantiques de tels romanciers anglais encore de son temps lus, Anne Radcliffe et Maturin (que Balzac estimait), Byron, puis les rapports médicaux sur des cas d’érotisme, puis la Bible. Il avait certainement de la lecture, et le seul auteur qu’il n’allègue jamais, Flaubert, ne devait jamais être loin de sa main.

Cette valeur que je voudrais qualifier, elle est, je crois, donnée par la nouveauté et l’originalité des images et des métaphores, par leur abondance, leur suite logiquement arrangée en