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est peu important, car l’esprit souffle où il veut, et, quand il souffle sous la peau des grenouilles et les rend démesurées, c’est pour se distraire, car le monde est triste.

M. Tailhade n’a aucune des tares grotesques de l’orgueil : nul ne fait plus simplement un métier plus simple, celui de littérateur. Les Romains disaient rhéteur et cela signifiait celui qui parle, celui qui dompte le verbe, celui qui assujettit les mots au joug de la pensée et qui sait les manier, les exciter, les aiguillonner jusqu’à leur imposer, à l’heure même de sa fantaisie, les travaux les plus rudes, les plus dangereux, les plus inédits. Latin de race et de goûts, M. Tailhade a droit à ce beau nom de rhéteur dont se choque l’incapacité des cuistres ; c’est un rhéteur à la Pétrone, également maître dans la prose et dans les vers.

Voici, tiré du rare Douzain de Sonnets, l’un d’eux :


hélène (Le laboratoire de Faust à Wittemberg)


Des âges évolus j’ai remonté le fleuve
Et, le cœur enivré de sublimes desseins,
Déserté le Hadès et les ombrages saints,
Où l’âme d’une paix ineffable s’abreuve.