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De telles idées furent maintes fois, sous de multiples formes toujours nouvelles, toujours rares, exprimées par Villiers de l’Isle-Adam dans son œuvre. Sans aller jusqu’aux négations pures de Berkeley, qui ne sont pourtant que l’extrême logique de l’idéalisme subjectif, il recevait, dans sa conception de la vie, sur le même plan, l’Intérieur et l’Extérieur, l’Esprit et la Matière, avec une très visible tendance à donner au premier terme la domination sur le second. Jamais la notion de progrès ne fut pour lui autre chose qu’un thème à railleries, concurremment avec la niaiserie des positivistes humanitaires qui enseignent aux générations, mythologie à rebours, que le Paradis terrestre, superstition si on lui assigne le passé, devient, si on le place dans l’avenir, le seul légitime espoir.

Au contraire, il fait dire à un protagoniste (sans doute Edison), dans un court fragment d’un ancien manuscrit de l’Ève future :

« Nous en sommes à l’âge mûr de l’Humanité, voilà tout. À bientôt la sénilité de cet étrange polype, sa décrépitude, et, l’évolution accomplie, son retour mortel au mystérieux laboratoire où tous les Apparaîtres s’élaborent