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Ensuite, c’est l’attente et c’est l’impatience, — puis le don :


L’attendu qui viendra pour nous,
Le triomphant au sexe inexorable, au sexe doux,
Oh ! qu’il nous prenne entre ses mains d’époux.


Il est charmant ce petit poème ; s’il contient quelques fautes d’harmonie, des vers rudes (surtout dans la longue laisse dont nous n’avons rien cité), c’est que M. Dujardin ne fait jamais à la netteté de sa pensée aucun de ces sacrifices auxquels les poètes se résignent d’ordinaire si volontiers. Autre remarque par quoi l’on verra que le sens musical et le sens poétique sont très différents : M. Dujardin, excellent musicien, ne transporte en ses vers presque aucun des dons du musicien ; les effets qu’il cherche et qu’il trouve ne sont pas de rythme ou d’harmonie. C’est un descriptif purement pictural ; son imagination est visuelle, très rarement auditive : il voit, dessine, dispose, et colore ce qu’il voit.

Cette faculté de se représenter la vie, et non seulement comme un tableau, mais comme un tableau animé où les personnages marchent, s’agitent selon les mille petits gestes, il l’a utilisée de la façon