les livres nouveaux avec une discrétion et un détachement prophétiques, mais il avait de l’esprit, une lecture immense, — et il aimait Mallarmé : c’était malgré tout impressionnant. M. Huysmans vivisectait les peintres avec la joie d’un chat de gouttière dévorant une souris vivante ; Laforgue était ironique, léger, mélancolique et délicieux ; M. Mallarmé expliquait l’inutilité de compliquer les spectacles par la récitation de littératures généralement déplorables. En deux ans presque tous les écrivains versés depuis sur les contrôles académiques (ou bien près de subir cette formalité), M. Bourget, M. France, M. Barrès, passèrent par cette revue d’une laideur (physique) si originale et si barbare. On y lisait aussi Villiers, Rosny, Paul Adam, Verhaeren, Moréas ; Ibsen y débuta comme écrivain francisé.
Dans la dernière année, M. Kahn, laissant la Vogue, remplaça par un dogmatisme utile le plaisant scepticisme de M. de Wyzewa ; en janvier 1889, la Revue Indépendante passa en d’autres mains, perdit d’année en année son caractère aristocratique, mourut lentement.
Seule revue d’art pendant deux ans, elle avait eu un rôle important, celui, peut-être, de gardien