vre même ont besoin pour être compris, à l’heure où ils éclosent, de la charitable glose d’une intelligence amie. Malheureusement, la critique influente, si peu qu’elle le soit encore, étant devenue prudente ou servile, il est nécessaire de la contredire de temps à autre, rien que pour montrer que l’on n’est pas dupe : cela seul induisit Aurier à contester non le talent, mais le génie de M. Meissonier, peintre fameux des états-majors et dés cuirassiers. Ce ne fut que par occasion qu’il livra bataille au taureau ; il avait, comme critique, une besogne plus urgente : mettre en lumière les « isolés », comme il disait, forcer vers eux l’attention de quelques-uns. La première étude de ce genre, son Van Gogh eut un succès inattendu ; elle était excellente, d’ailleurs, disait la vérité sans ménagements pour l’opinion, et vantait le peintre du soleil et des soleils sans ces emballements puérils qui sont la tare de l’enthousiasme. Dès là, il exprimait les deux inquiétudes dont il se souciait avant tout : le peintre est-il sincère ? et que signifie sa peinture ? La sincérité, en art, est bien difficile à démêler de l’inconsciente fraude où se laissent aller les artistes les plus purs et les plus désintéressés ; l’extrême talent dégénère très souvent en virtuosité :
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