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elle, sinon du conventionnel prestige que les hommes leur ont constitué ? Chacun de nous ne les entend guère qu’avec la signification que tous leur ont donnée et qui fait leur efficacité morale. Obéir à des mots, c’est en somme obéir au vouloir confus et obscur que l’opinion humaine profère et impose à la manière des antiques oracles. Inconsciemment soumis à l’habitude et au pouvoir des mots, nous ne sommes point hors de servitude. »

Nous devrons nous défier encore de nos instincts, même s’ils nous « poussent vaguement à faire œuvre de bien, de bonté et de justice » ; l’instinct n’est pas la conscience ; c’est à la conscience et non à l’instinct que nous devons obéir. Arrivés à ce degré, capables « de puiser à la seule source pure de notre âme le jaillissement des eaux fécondes qui feront fleurir la vie dans nos mains », il ne faudra pas nous reposer même un instant, car « la chair ressaisit toujours ce que l’esprit a créé ».

Là, il y a la page des dentellières, qui est un des plus beaux poèmes des récentes littératures, du style le plus pur, du symbolisme le plus élégant ; elle signifie que, de même que les dentellières « font œuvre d’artistes suprêmes et n’en ont