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Il y a des écrivains naïfs qui dissertent sur l’Idée, tout court ; il y a des sociétés coopératives qui se mettent tout d’un coup en marche vers l’Idée ; il y a des gens qui se dévouent à l’Idée, qui pâtissent pour l’Idée, qui rêvent de l’Idée, qui vivent les yeux fixés sur l’Idée. De quoi est-il question dans ces sortes de divagations, c’est ce que je n’ai jamais pu savoir. Ainsi employé seul, le mot est peut-être une déformation du mot Idéal ; peut-être aussi le qualificatif est-il sous-entendu ? Est-ce un débris erratique de la philosophie de Hegel que la marche lente du grand glacier social a déposé au passage en quelques têtes où il roule et sonne comme un caillou ? On ne sait pas. Employé sous une forme relative, le mot n’est pas beaucoup plus clair dans les ordinaires phraséologies ; on oublie trop le sens primitif du mot et que l’idée n’est qu’une image parvenue à l’état abstrait, à l’état de notion ; mais aussi qu’une notion, pour avoir droit au nom d’idée, doit être pure de toute compromission avec le contingent. Une notion à l’état d’idée est devenue incontestable ; c’est un chiffre, c’est un signe ; c’est une des lettres de l’alphabet de la pensée. Il n’y a pas des idées vraies et des idées fausses. L’idée est nécessairement vraie ; une idée discutable est une idée amalgamée à des notions