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zance, cette association d’idées s’est étendue à l’Empire romain tout entier, qui n’est plus, pour les historiens sages et respectueux, qu’une suite de décadences. On lisait récemment dans un journal grave : « Si la forme despotique avait une vertu particulière, constitutive de bonnes armées, est-ce que l’avènement de l’empire n’aurait pas été une ère de développement dans la puissance militaire des Romains ? Ce fut au contraire le signal de la débâcle et de l’effondrement[1] ». Ce lieu commun d’origine chrétienne a été popularisé dans les temps modernes, comme on le sait, par Montesquieu et par Gibbon ; il a été magistralement dissocié par M. Gaston Paris[2] et n’est plus qu’une sottise. Mais comme sa généalogie est connue, comme on l’a vu naître et mourir, il peut servir d’exemple et faire comprendre assez bien ce que c’est qu’une grande vérité historique.

Le but secret du lieu commun, en se formant, est en effet d’exprimer une vérité. Les idées isolées ne représentent que des faits ou des abstractions ; pour avoir une vérité il faut deux facteurs, il faut, c’est le mode de génération le plus ordinaire, un fait et une abstraction. Presque toute

  1. Le Temps, 31 octobre 1899.
  2. Romania, tome I, page 1.