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de son enfance indifférente ; enfant, il avait vécu dans le monde extérieur comme dans une dépendance de lui-même, avec un souci purement physiologique ; il avait vu sans voir, et voici que, tandis que tout l’intermédiaire reste brumeux, c’est la période de ses sensations les plus fugaces qui remonte et s’avive devant ses yeux. Il est bien évident que la sensation entrée en nous sans que nous en ayons eu conscience ne peut, à aucun moment, être volontairement évoquée ; mais la sensation consciente peut, au contraire, nous revenir à l’improviste, sans nul concours de la volonté. Le subconscient a donc pouvoir sur deux ordres de sensations et la conscience n’en a qu’un seul à sa disposition : cela peut expliquer pourquoi la volonté et la réflexion ont une part si restreinte dans les créations de la littérature ou de l’art.

Mais quelle est leur part dans le reste de la vie ?

En principe, l’homme est un automate, et il semble que dans l’homme la conscience soit un gain, une faculté surajoutée. Il ne faut pas s’y tromper : l’homme qui marche, qui agit, qui parle n’est pas nécessairement conscient ni jamais tout à fait conscient. La conscience est sans doute, si on prend le mot dans son sens précis et abso-