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lonté ne suppléent l’inspiration ». Sans doute, mais la réflexion et la volonté peuvent cependant avoir leur rôle dans l’évolution de ce phénomène mystérieux et, d’autre part, les cas sont assez rares de pur automatisme intellectuel. Il faut sans doute supposer que les hommes capables de subir l’heureuse influence de l’inspiration sont aussi des hommes plus que les autres capables de sentir avec force et avec fréquence les chocs du monde extérieur. Les imaginatifs sont aussi des sensitifs. Il faut que les réserves de leur cerveau soient très riches en éléments ; cela suppose un apport constant de la sensation ; cela suppose donc une sensibilité très vive et une capacité de sentir incessamment renouvelée. Cette sensibilité appartient encore en grande partie au domaine du subconscient ; il y a, selon l’expression de Leibnitz, « les pensées dont ne s’aperçoivent pas notre âme », il y a aussi les sensations dont ne s’aperçoivent pas nos sens, et ce sont peut-être celles-ci qui, de même qu’elles sont entrées, sortent subconsciemment. Les observations les plus fructueuses sont celles que l’on a faites sans le savoir ; vivre sans penser à la vie est souvent le meilleur moyen d’apprendre à connaître la vie. Après un demi-siècle et plus un homme voit surgir devant lui le milieu, le paysage, les faits