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table valeur et le dépouille de cette incohérence particulière aux songes les plus sensés.

A l’état de veille, l’inspiration semble la manifestation la plus claire du subconscient dans le domaine de la création intellectuelle. Sous sa forme aiguë, l’inspiration se rapprocherait beaucoup du somnambulisme. Certaines attitudes de Socrate (d’après Aulu-Gelle), de Diderot, de Blake, de Shelley, de Balzac, donnent de la force à cette opinion. Le Dr Régis[1] dit que les hommes de génie furent presque tous des « dormeurs éveillés » ; mais le dormeur éveillé est assez souvent un « distrait », celui dont l’esprit se concentre volontairement sur un problème. Ainsi l’excès et l’absence de conscience psychologique se manifesteraient, en certains cas, par d’identiques phénomènes. A quoi pensait Socrate pendant ses journées d’immobilité ? Pensait-il ? Avait-il connaissance de sa pensée ? Les fakirs pensent-ils ? Et Beethoven, lorsque, sans chapeau, sans habit, il se laissait arrêter comme vagabond ? Était-il en obsession volontaire ou en quasi-somnambulisme ? Savait-il à quoi il pensait si fortement, ou bien son travail cérébral était-il inconscient ? Stuart Mill composa sa logique dans les

  1. Préface du Subconscient.