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la subconscience le connaît particulièrement bien ; la conscience est moins habile à s’y approvisionner, bien qu’elle ait à son service plusieurs méthodes utiles, telles que l’association logique des idées ou la localisation des images. Selon que le cerveau travaille dans la nuit ou à la lueur du falot de la conscience, l’homme acquiert une personnalité différente, mais, sauf les cas pathologiques, l’état second n’est pas tellement précisé que l’état premier ne puisse, sans troubler le labeur, intervenir : c’est en ces conditions, selon ce concert, que s’achèvent la plupart des œuvres d’abord imaginées soit par la volonté, soit par le rêve.

Chez Newton (en y pensant toujours), le travail du subconscient est continu, mais il se relie périodiquement à un travail volontaire ; tantôt perçue, tantôt inconnue de la conscience, la pensée explore tous les possibles. Chez Goethe, le subconscient est presque toujours actif et prêt à livrer à la volonté les œuvres multiples qu’il élabore sans elle et loin d’elle. Goethe a expliqué cela lui-même en une page d’une lucidité miraculeuse et pleine d’enseignements[1] : « Toute

  1. Lettre à G. de Humboldt, 17 mars 1832. (Le Subconscient p. 16.) Goethe avait alors quatre-vingt-trois ans ; il mourait cinq jours plus tard. La lettre est citée tout entière par Eckermann, II, 331 ; la traduction de Délerot est un peu différente.