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La conscience, qui est le principe de la liberté, n’est pas le principe de l’art. On peut énoncer fort clairement ce que l’on a conçu dans des ténèbres inconscientes. Loin d’être liée au fonctionnement de la conscience, l’activité intellectuelle en est le plus souvent troublée ; on écoute mal une symphonie, quand on sait qu’on l’écoute ; on pense mal, quand on sait que l’on pense : la conscience de penser n’est pas la pensée.

L’état subconscient est l’état de cérébration automatique, en pleine liberté, l’activité intellectuelle évoluant à la limite de la conscience, un peu au-dessous, hors de ses atteintes ; la pensée subconsciente peut demeurer à jamais inconnue, et elle peut, soit au moment précis où cesse l’automatisme, soit plus tard, et même après plusieurs années, surgir à la lumière. Ces faits de cogitation ne sont donc pas du domaine de l’inconscient proprement dit, puisqu’ils peuvent arriver à la conscience et, d’autre part, il sera sans doute préférable de réserver à ce mot un peu vaste la signification que lui donna une philosophie particulière. L’état subconscient, quoique le rêve puisse être une de ses manifestations, diffère encore de l’état de rêve. Le rêve est presque toujours absurde, d’une absurdité spéciale,