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très sensibles, car il est incontestable que, même parmi les ressemblants les moins diversifiables à première vue, il n’y a point deux créatures qui ne soient, au fond, contradictoires entre elles ; c’est la dernière gloire de l’homme, et celle que la science n’a pu lui arracher, qu’il n’y ait point de science de l’homme.

S’il n’y a point de science de l’homme commun, moins encore y a-t-il une science de l’homme différent, puisque la manifestation de sa différence le constitue solitaire et unique, c’est-à-dire incomparable. Cependant, comme il y a une physiologie, il y a une psychologie générale : quelles qu’elles soient, toutes les bêtes terrestres respirent le même air et le cerveau de l’homme de génie, comme celui du pauvre homme, puise dans la sensation sa force primordiale. Selon quel mécanisme la sensation se transforme en acte, on ne le sait que d’une façon grossière ; on sait seulement que pour que cette transformation s’accomplisse, l’intervention de la conscience n’est pas nécessaire ; on sait aussi que cette intervention peut être nuisible, par son pouvoir de modifier la logique déterministe, de rompre la série des associations pour créer dans l’esprit volontairement le premier anneau d’une chaîne nouvelle.