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de sa clientèle. Six échelles de hauteur arbitrairement graduée affirment aux plus obtus (et au besoin à ceux qui ne sauraient pas lire) que, trois échelons gravis, on peut se délecter à lire les poèmes de M. Swinburne, tandis qu’il faut délaisser le dixième pour comprendre les vers de M. Sully-Prudhomme (qui ornent les pages suivantes). Mais je crois qu’il y a là une raison de perspective et que, vue de Turin ou de Barcelone, la proposition ne serait pas tout à fait la même que si on contemple ces symboliques échelles d’Amsterdam ou de Hambourg.

C’est par ces moyens qu’un commerçant établi en France travaille à l’extension de la langue française. Ils doivent lui sembler bons, puisqu’il est intéressé dans cette question qu’un écrivain aurait traitée avec plus de désintéressement ou un savant avec plus de compétence. Mais si l’on voulait recueillir sur la situation réelle de notre langue à l’étranger les renseignements précis et valables que ne m’a pas donnés une imagerie, ni ses textes explicatifs, je crois qu’il faudrait s’adresser à ces voyageurs ou à ces touristes qui parcourent sans cesse le monde pour leurs affaires ou leur plaisir. Eux seuls savent la vérité sur le pouvoir d’échange de la langue française, sur la valeur monétaire d’un mot français