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de l’esclavage socialiste ; ce bagne sera l’atelier qui travaillera pour entretenir la civilisation renaissante dans le reste de l’Europe. Mais j’espère qu’il se révoltera, afin que tout recommence et qu’il y ait enfin une science historique[1].

  1. M. Robert Waldmüller (Duboc), en visitant Victor Hugo à Guernesey, recueillit son opinion sur la future « langue européenne ». Voici l’anecdote résumée par le Temps (7 février), d’après le Litterarische Echo de Berlin : « En 1867, M. Duboc voyageait en France et en Angleterre. Ce fut peut-être un obscur mouvement d’atavisme français qui le poussa à rendre visite, en passant la Manche, au plus grand des poètes français vivant. Il débarqua donc à Guernesey et se fit indiquer Hauteville house. Dès le jardin, il eut de Victor Hugo une première vision à laquelle, certes, il ne s’attendait guère. Hugo, à ce qu’il raconte, était sur la toit plat de sa maison, « vêtu de sa seule dignité, » et se livrait à des mouvements gymnastiques après avoir pris une douche froide. Le visiteur se fit annoncer dans les formes et fut reçu avec une grande affabilité. La conversation s’engagea et tomba, comme il était naturel entre Français et Allemand et à cette époque, sur les rapports des peuples entre eux. M. Waldmüller-Duboc demanda à Victor Hugo s’il était jamais allé en Allemagne. « Non, seulement dans le pays vieux-gaulois du Rhin, que je considère comme français, bien que, ajouta-t-il, pour moi il n’y ait pas de frontières ». Et là dessus Victor Hugo émit justement la même pensée que Nietzsche devait développer plus tard : « Un jour viendra où l’Europe ne connaîtra que des Européens, et non plus des Français, des Allemands, des Russes. Est-ce que les Allemands ont une queue ? Je ne vois pas de différence (Waldmüller reproduit cette boutade en français.) Alors le pêle-mêle des langues prendra fin : une seule suffira. — Laquelle ? — Trois seulement peuvent entrer en ligne de compte : l’italien, l’allemand, le français. L’allemand avec ses consonnes est trop dur pour les méridionaux ; l’italien paraîtrait aux Allemands