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moins de tentatives intéressantes pour l’impossible fusion des idées de beauté et de vie humaine. Après la disparition du prophète de la lumière, l’Angleterre est revenue avec délices à ses joies sombres et closes. La peinture claire et les étoffes transparentes sont incompatibles avec la nécessité de la houille ; là où il faut se chauffer beaucoup et beaucoup activer des machines, le plaisir est d’avoir une maison solide, de manger des choses fortes, de boire en écoutant la pluie battre les vitres. Quelques distractions violentes suffisent, aux jours de beau temps. Mais les revers militaires et des difficultés sociales ont encore durci le caractère de l’Anglais, et les hommes comme la nation se sont enfermés dans un isolement cruel. L’Angleterre se fait souffrir elle-même pour oublier les blessures qu’elle a reçues de l’étranger et c’est la religion qui a bénéficié de cette longue crise d’orgueil. Oublié dans le reste de l’ancienne Europe ou retourné parmi les peuples latins à l’état de superstition païenne, le christianisme est encore vivant en Angleterre au jour même de l’invasion[1]. L’or-

  1. C’est au nom du christianisme que, cette année même, les juges anglais poursuivent comme obscènes les livres de libre philosophie scientifique édités par l’University Press : la Pathologie des Émotions, la Psychologie sexuelle, le Vieil et le nouvel Idéal, le Rythme des pulsations, Responsabilité de déterminisme. Ce dernier ouvrage est de M. Hamon ; le premier est du D. Fêré. Ce sont des livres que le cléricalisme protestant envoie maintenant au bûcher de Servet. L’Angleterre est manifestement à la veille d’un renouveau de fanatisme.