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dans l’Amérique du Sud sera prochainement un argument pour cette thèse, qui n’est pas d’ailleurs contestable. Les états de l’Europe vaincue, en perdant leur autonomie, verront leurs langues se fractionner rapidement en une quantité de dialectes dont la différenciation sera croissante. Ou, pour mieux dire, les dialectes de France, par exemple, qui sont encore vivants et fort nombreux, n’étant plus dominés par un parler commun qui les régisse et les coordonne, deviendront de véritables petites langues particulières aussi différentes entre elles que le wallon et le provençal, le picard et le portugais. Les Français de Lyon ne comprendront plus ceux de Nantes, ni ceux de Paris ceux de Rennes. Il y aura des années et peut-être des siècles de grand trouble, une anarchie linguistique analogue à la grande anarchie qui suivit la destruction politique de l’empire romain. Mais les hommes, et c’est leur fin, sont ingénieux à tourner les obstacles que la nature leur impose. Ayant besoin d’une langue d’échange, ils accepteront sans aucun doute celle du vainqueur. Ces acceptations, dont il y a tant d’exemples dans l’histoire, semblent inexplicables parce qu’on les croit bénévoles. Mais si l’on réfléchit que les fonctions publiques, l’influence et la richesse ne sont plus