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cieusement), l’homme conquiert la sensation de se grandir et même de devenir unique ; créateurs d’allégresses vraiment divines, ces actes ont les mêmes effets que la douleur : ils différencient puissamment celui qui les accomplit avec pureté ; ils le dressent sur la colonne du Stylite d’où les cailloux du désert ne sont que des grains de sable, d’où le sable se ride et rit avec des fraîcheurs d’eau. Mais là encore, et puisque l’expérience d’un tel résultat peut s’acquérir, le désintéressement n’est pas absolu ; la conscience du but n’est pas toujours ni tout à fait absente et, quoique rien de social ou de pratique ne souille de tels actes (ils peuvent être, cela est toujours sous-entendu, socialement criminels), c’est encore plus loin qu’il nous faut chercher le principe de la charité parfaite.

Le principe de la charité est le don gratuit, pur et simple, sans désir, sans espérance, sans but. La nature et l’humanité la plus voisine de la nature nous donneraient de cela des exemples si on les devait choisir inconscients : la charité de la fleur, la charité du châtaignier, la charité du boeuf, la charité du chien, — la charité du génie, la charité de la beauté, — la charité de la mer, la charité du soleil, — la charité de Dieu (dont l’être est indéterminé) qui maintient, selon les lois, la succession des phénomènes et l’activité