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comme un jet de vapeur, afin de capter l’attention et la sensibilité des âmes. Ces actions n’ont que le mérite d’être conscientes ; elles le sont jusqu’à l’ostentation et jusqu’au mensonge, car elles arrivent à faire croire qu’elles ont seules droit au nom d’actes de charité, alors que leur principe les range parmi les plus ordinaires gestes du commerce.

Les actes charitables ne sont le plus souvent que des actes commerciaux, vente, achat, échange : gagner le ciel, gagner l’estime générale, gagner sa propre estime, gagner le repos de sa conscience ; acheter une joie ; se défaire d’un remords ; échange d’une monnaie contre une bénédiction ; achat d’une chance favorable, d’un avantage, encore que problématique, d’un bonheur, encore qu’illusoire. Tous ces actes obéissent au principe du gain, atténué çà et là par le principe du plaisir. Ce dernier principe est seul en cause quand la charité, acte d’amour ou acte de pitié, prend un caractère noblement égoïste et conforme à la destinée de l’homme, qui est de s’affermir dans sa vie et de s’affirmer dans l’exercice des sentiments qui lui font éprouver fortement la joie de la supériorité personnelle. Par les actes d’amour et de pitié qui souvent se confondent (surtout chez les femmes, et c’est un socle où elles haussent déli-