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…Fratrem Pollux alterna morte redemit[1].

Et voici comment raisonne Pollux :

« L’arbre n’existe que parce que je le pense ; pour la pensée hypothétique que je pressens et que je veux bien admettre, douloureusement, au-delà de mon domaine, je suis une sorte d’arbre et je n’existe qu’autant que cette pensée me pense… »

Il se reprend :

« Pourtant, je suis, — et absolument[2] ! »

Il réfléchit et continue :

« Oui, mais Homunculus ne dit pas autre chose de lui-même ; il dit, lui aussi : Je suis, — et absolument. Or, si j’admets mon affirmation, je dois admettre la sienne, mais deux absolus sont contradictoires ; ils se nient en s’affirmant ; ils s’affirment en se niant.

»Pour être pensé, il faut donc que je me nie moi-même, — mais je retrouverai dans l’autre pensée l’image de ma propre négation renversée et redevenue positive : je vis et je suis en celui qui me pense ».

Voilà pourquoi Pollux partagea son immortalité avec son frère mortel.

  1. Virg., Æn., VI, 121.
  2. Dans le sens de Fichte, que le moi est virtuellement toute réalité, — toujours jusqu’à preuve du contraire.