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mement différents puisque l’un est rédigé tout en images (un peu roides) et que dans l’autre il y en a si peu qu’on les a comptées. Il n’y a d’ailleurs aucune relation nécessaire entre le mérite et la durée d’une œuvre ; mais quand un livre a survécu, les auteurs « d’analyses et extraits conformes au programme » savent très bien prouver sa perfection « inimitable » et ressusciter, le temps d’une conférence, la momie qui va retomber sous le joug de ses bandelettes. Il ne faut pas mêler l’idée de gloire à l’idée de beauté ; la première est tout à fait dépendante des révolutions de la mode et du goût ; la seconde est absolue, dans la mesure où le sont les sensations humaines ; l’une dépend des mœurs, l’autre dépend de la loi.

La forme passe, c’est vrai ; mais on ne voit pas vraiment comment la forme pourrait survivre à la matière qui en est la substance ; si la beauté d’un style s’efface ou tombe en poussière, c’est que la langue a modifié l’agrégat de ses molécules, les mots, et les molécules elles-mêmes, et que ce travail intérieur ne s’est pas fait sans boursouflures et sans tremblements. Si les fresques de l’Angelico ont « passé », ce n’est pas parce que le temps les a rendues moins belles, c’est parce que l’humidité a gonflé le ciment où