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dilettante et qu’un fakirisme de bonne compagnie ; et même, pour simplifier l’enquête, laissons encore de côté le pseudo-fakirisme. Il nous suffira d’avoir à faire la critique du néronisme mental, plus clairement appelé le narcissisme.

Narcisse,

   Quid videat nescit ; sed quod videt, uritur illo,

et, ne connaissant que soi, il s’ignore lui-même : Ovide, sans le savoir, a mis bien de la philosophie dans les quinze syllabes de son vers élégant[1].

Mais il faut reprendre les choses de plus haut et redire, hélas ! afin d’être clair, des choses mille fois déjà redites. C’est une éternelle nécessité : les hommes sont si crédules à la négation que la vérité leur semble un conte de fées, et que tous vivent, les réprouvés dans l’obscure forêt de

  1. Les symboles, souvent, demeurent clos pendant des siècles ; ils sont la fontaine scellée ou le hortus conclusus. On passe devant la source dormante sans même désirer y boire une gorgée d’eau pure ; et devant le jardin muré, sans l’envie de franchir le mur et de cueillir même une toute petite rose au mystérieux rosier. (Un conte, qui détient bien d’autres secrets, la Belle et la Bête, m’a fait comprendre cela et je l’expliquerai un jour, avec plusieurs choses, si j’en suis capable.) En un temps où il n’était pas à la mode d’aller boire à la fontaine de Narcisse, l’abbé Banier disait, en commentant Ovide : « L’histoire de Narcisse, si bien écrite par notre poète, est un de ces faits singuliers qui ne nous apprennent rien d’important ».