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leurs, aller tout droit, comme une balle (tout droit, ou selon la trajectoire prévue), dans la droite voie de la logique, est plutôt le fait des esprits simples, — je ne dirai pas médiocres, ce qui serait bien différent. Aucun des grands philosophes allemands[1] n’a été purement logique : ni Kant, bifurquant vers la raison pratique, ni Fichte, prônant le patriotisme[2], ni Schopenhauer dont le pessimisme s’abreuve d’illusoires antidotes ; et Jésus, lui-même, parlant comme Dieu, s’est contredit sciemment, puisque, après le « Mon royaume n’est pas de ce monde », il profère le « Rendez à César… » Logiquement, il devrait dire : « J’ignore tout, hormis mon royaume, qui n’est pas de ce monde, et César comme le reste ». Mais en prononçant cette négation : « pas de ce monde, » il affirmait « ce monde », et il dut songer aux relations qu’avec « ce monde » devaient nécessairement avoir ses disciples, les hommes de bonne volonté.

Revenons à la pathologie de l’idéalisme.

Négligeant provisoirement les conséquences sociales d’une doctrine qui, d’ailleurs, est impopulaire, je ne veux alléguer qu’un néronisme de

  1. Ni des Français. Malebranche, étant oratorien, se croyait chrétien et ne l’était que de cœur. Sa philosophie mène au fakirisme.
  2. Discours à la nation allemande.