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il serait Benoist, il serait Pessonneaux, et les moines eussent raclé ses parchemins pour substituer à ses vers quelque bon contrat de louage d’un intérêt sûr et durable. A propos de ces évidences, M. Albalat se plaît à réfuter l’opinion de M. Zola, que « la forme est ce qui change et passe le plus vite » et que « on gagne l’immortalité en mettant debout des créatures vivantes ». Autant que cette dernière phrase se peut interpréter, elle signifierait ceci : ce qu’on appelle la vie en art est indépendant de la forme. Peut-être est-ce encore moins clair ; peut-être cela n’a-t-il aucun sens ? Hippolyte aussi, aux portes de Trézène, était « sans forme et sans couleur » ; seulement il était mort. Tout ce que l’on peut concéder à cette théorie, c’est qu’une œuvre originellement belle et d’une forme originale, si elle survit à son siècle, et plus, à sa langue, les hommes ne l’admirent plus que par imitation, sur l’injonction traditionnelle des éducateurs. Découverte maintenant au fond des Herculanums, l’Iliade ne nous donnerait que des sensations archéologiques ; elle intéresserait au même degré que la Chanson de Roland ; mais en comparant les deux poèmes, on constaterait, mieux qu’on ne l’a fait encore, qu’ils correspondent à des moments de civilisation extrê-