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régime, vous pouvez prétendre à la graisse : cela n’est pas à dédaigner, à une époque où tant de pauvres braves gens meurent de faim.

Quant à l’argent immédiat qui vous est nécessaire en attendant le placement de votre pacotille, je ne vous conseillerais ni la Bourse, ni le chantage où les risques sont trop grands et qui demandent, pour être maniés fructueusement, une expérience des hommes que vous ne pouvez avoir à dix-sept ans, malgré votre précocité ; or, et c’est là un principe dont je vous recommande la méditation, mon cher ami, tout acte dont l’accomplissement comporte, malgré ses avantages, un risque sérieux touchant la santé, la liberté ou la réputation, doit être tenu pour immoral et rejeté hors des possibilités. Gardez soigneusement cette parole dans votre cœur ; elle peut vous éviter bien des ennuis et vous sauver du naufrage auquel sont sujets même des gens de votre sorte.

Mais vous n’êtes pas en peine ; vous êtes riche comme tous vos jeunes camarades. Fils, comme tout le monde, de parents mariés à la veille de l’impuissance et de la sénilité, vous avez hérité dès l’adolescence et votre tuteur vient de vous rendre ses comptes. Il est bien évident que, hors de ces circonstances heureuses, vous n’auriez