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bres et aux ronces ; — car je ne suppose pas que vous possédiez naturellement autre chose qu’une intelligence pratique et rusée ; en ce cas, vous ne m’auriez pas demandé de conseils et vous n’en auriez pas besoin.

                                  III

Il faut mourir riche, dit-on. Cet aphorisme est tout au plus digne d’un commerçant modeste. Songez, mon ami, que vous allez entrer dans la haute industrie et prenez une devise plus relevée et plus digne de la corporation qui va s’ouvrir à vous ; je vous conseille celle-ci, qui, divisée en deux parties, embrasse également le présent et l’avenir : « Il faut vivre riche. Il faut mourir gras ». Et cette devise, outre ses deux sens bien clairs, bien humains, bien modernes, en renferme un troisième, ésotérique et merveilleux ; je ne veux que vous mettre sur la voie en ajoutant : la graisse est le commencement de la gloire. Sans doute, vous n’irez pas jusqu’à la gloire, quoi que puisse faire espérer l’exemple de quelques-uns de nos contemporains qui débutèrent comme vous, sans plus de génie, et avec moins de bonne volonté, — mais, avec un sage