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ou de l’Italie du Quattrocento ou de la France de François Ier. L’amour, même en ses gestes publics, est du domaine privé ; et il a tous les droits, précisément parce qu’il est un instinct, et l’instinct par excellence[1]. C’est ce que reconnaissent implicitement même les moralistes de la science en appelant ainsi leurs écrits. Qu’il est vain d’insérer, sous ce titre, « l’instinct sexuel, » des menaces contre la vie, contre les moyens que choisit à son gré pour se perpétuer la vie éternelle ! Oser dire à l’instinct qu’il se trompe, c’est une des prétentions de la raison, mais peu raisonnable ; la raison n’est là qu’une spectatrice qui compte et catalogue des attitudes que son essence même lui interdit de comprendre. Le peuple, oui le peuple du XIXe siècle (ou du XXe siècle), qui s’ébahit aux éclipses et en applaudit « le succès »[2], n’est pas sans croire que la Science est pour quelque chose dans la belle ordonnance du phénomène. Nos décrets contre l’instinct vital pourraient fort bien faire illusion au peuple de la science, mais non aux véritables

  1. Tout le monde connaît les vers de Baudelaire contre ceux qui veulent « aux choses de l’amour mêler l’honnêteté ». Ces vers sont la paraphrase d’un propos hardi de la Tullia de Meursius (Colloquium VII, Fescennini) : « Honestatem qui quaerit in voluptate, tenebras et quaerat in luce. Libidini nihil inhonestum… »
  2. Des dépêches d’Espagne nous ont certifié cela.