Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/224

Cette page n’a pas encore été corrigée

social, on arriverait sans doute, par d’analogues déductions, à prouver que toutes les sociétés, quelles soient-elles, et même ordonnées selon les imaginations les plus scrupuleuses, contiendront des prostituées, et toutes en nombre à peu près égal. La prostitution changera de forme sociale selon la forme de la société, elle ne changera que de forme. Aucunes lois n’empêcheront ni une femme bavarde de parler, ni une femme lascive de chercher des amants. On pourrait objecter que les prostituées ne font pas l’amour par plaisir ; non, pas au point où elles le pratiquent et sous trop de formes peu plaisantes pour elles ; mais au début de sa carrière une prostituée a presque toujours été la victime de son tempérament, de ses curiosités vicieuses, de son goût pour le mâle. Par quelle magie les utopistes changeront-ils l’ordre des réactions dans un système nerveux ? A moins (ce que je crois) qu’ils ne jouent innocemment sur les mots, ils conviendront, et c’est d’ailleurs l’opinion de M. Féré, que ce qui constitue la prostitution, ce n’est pas le salaire, mais la promiscuité. Alors le mariage, appliqué à tous les couples, à moins qu’on ne lui accorde une valeur mystérieuse de sacrement en quoi réfrénera-t-il sérieusement la promiscuité ? Le mariage, même civil, a-t-il sur les maladies