Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/216

Cette page n’a pas encore été corrigée

en tout ce chapitre, n’est pas moins naïf que le rêveur du XVIIe siècle. L’absence de psychologie sérieuse, de sages observations scientifiques, donne à toute cette philosophie politique de jadis un air décidément enfantin. Les esprits politiques de notre temps qu’on appelle « avancé », les collectivistes, par exemple, ont cet air enfantin, à cause de leur croyance, d’origine religieuse, qu’on peut changer la nature humaine, en changeant les lois humaines. Ils brident le cheval par la queue avec un entêtement doux. Comme Platon est supérieur, aux deux livres VIII et IX de cette même République, où il considère l’histoire pour en tirer une philosophie ! Là il travaille sur des faits réels et non plus sur des faits créés par sa logique ou celle de Lycurgue. Aimé-Martin, qui aimait si fort Platon, a fait du Platon utopiste le plus cruel éloge en disant : « Qui connaît Platon le retrouve partout dans les écrits de Plutarque, de Fénelon, de Rousseau, de Bernardin de Saint-Pierre. Ces grands hommes… » Non, c’est ici le coin des utopistes ; disons : ces grands enfants.

Plus heureux que Platon et que Campanella, les législateurs modernes de l’amour ouvrent une voie où ils ont, hélas ! beaucoup de chances d’être suivis. Ils flattent si adroitement la manière