Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/213

Cette page n’a pas encore été corrigée

des maux évidents et que nul ne dénie : une loi contre l’amour ; l’alcool est néfaste : une loi contre l’alcool ; l’opium, l’éther nous menacent, ou peut-être le kif : une loi contre ces drogues. Et pourquoi pas aussi contre le gibier, les truffes et le bourgogne, si cruels à certains tempéraments ? Et pourquoi enfin l’hygiène ne serait-elle pas codifiée comme la morale ? Ne rationne-t-on point les animaux domestiques ? Parmi les paradoxes de Campanella, qui n’ont pas été dépassés, ni atteints, même par la science sexuelle, on trouve ceci : qu’il est absurde de donner tant de soins à l’amélioration de la race des chiens et des chevaux, quand on néglige sa propre race. Saint Thomas d’Aquin, dont les socialistes reprennent ingénieusement les idées, pensait aussi que, la génération étant faite pour conserver l’espèce, l’acte par quoi elle est assurée doit être soustrait aux caprices particuliers. Mais le théologien trouva dans la discipline de l’Église un frein à sa logique ; Campanella qui, quoique moine et bon moine, prétend au droit de rédiger des rêveries à la fois anti-chrétiennes et anti-humaines, est allé jusqu’au bout de la théorie. Son organisation de l’amour est épouvantable et curieuse ; elle est moins dure et moins absurde que celle de la tyrannie scientifique :