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ébahis, vers l’avenir, ce ciel ironique. Ayant établi ce qu’ils appellent les lois de l’histoire, et ce qui n’est, en somme, que la coordination logique de leurs désirs, des rêveurs ordonnent avec gravité le lendemain des jours qu’ils auront oublié de vivre. Comme s’il y avait un avenir ! Comme si le futur pouvait être perçu en tant que futur, comme si la vie se réalisait jamais en dehors du présent, de la minute même où la sensation nous avertit de notre existence !

On a fait des livres sur la religion et même sur l’irréligion de l’avenir. Ce sont des productions gaies. Vers les années où Cicéron prévoyait un avenir de science et de philosophie, de liberté intellectuelle, il naissait en Judée, parmi les copeaux d’une cabane, un paysan nommé Joseph. L’avenir n’est pas plus clair pour nous qu’il ne l’était pour Cicéron au temps qu’il se riait des Augures.


Mai 1900