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champ bariolé de la superstition tout le terrain qu’il avait cédé au rationalisme sous l’influence triste de la Réforme. Toute une mythologie fleurit sous nos yeux ; elle n’a pas reçu de la poésie le prestige des légendes grecques ; mais elle n’en est que meilleure pour la science, étant moins déformée. Il serait, je crois, plus sensé de l’étudier que d’en rire. Rit-on de l’absurdité des inexplicables travaux d’Hercule ? On a rédigé sur la genèse des dieux triples d’excellentes dissertations, mais sans prendre garde que depuis soixante ans, et moins, une et peut-être deux trinités nouvelles, enchevêtrées les unes dans les autres, étaient nées sous nos yeux, et cela à l’insu même de ceux qui les ont créées par le zèle inquiet de leur piété. De nouveaux saints, de nouveaux dieux, sont sortis de l’ombre sans qu’y aient pris garde ceux qui dissertent de l’origine des divinités. Et cependant le présent explique merveilleusement le passé ; ce qui n’est pas mystérieux aujourd’hui ne le fut pas jadis ; ce qui n’est qu’un fait élémentaire de psychologie ne fut pas davantage aux siècles antérieurs. On n’a encore jamais enseigné aux hommes à vivre dans le présent, d’ailleurs ils y répugnent. Les uns s’en vont vers le passé, où il y a du moins des lumières ; les autres se tournent, éternels