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dire païenne et romaine, c’est-à-dire anti-protestante. Mais elle ne peut pas plus devenir protestante qu’elle ne peut devenir anglaise ou turque. C’est là un état de fait invincible et ironique contre lequel se buteront éternellement les convertisseurs. Il faut railler leurs efforts, opposer impérieusement aux fumées de leur morale lourde l’éclat d’un paganisme qui se rit de tout, excepté de la vie.

Si on néglige les formes passagères et locales, on peut dire qu’il n’y a jamais eu qu’une religion, la religion populaire, éternelle et immuable comme le sentiment humain lui-même. Ce qui s’est modifié, c’est l’esprit religieux, c’est-à-dire la manière d’interpréter ou de nier les symboles ; mais ceci se passe en des têtes qui vraiment n’ont pas besoin de religion, puisqu’elles discutent. La vraie religion est matière à croyance et non à controverses. Elle est matière à expériences, mais non à démonstrations historiques ou philosophiques. Des pèlerins boiteux ont-ils, oui ou non, laissé leurs béquilles à Éphèse ou à Lourdes ? Voilà la question, qui n’en fut pas une pour les témoins oculaires. Toute idée de vérité doit être écartée des études religieuses, et même de vérité relative. Une religion est utile et elle vit ; inutile, et elle meurt. La vraie religion est