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teleone, une Ariane mutilée, dressée près d’une fontaine, est vénérée sous le vocable de Santa Venere[1] ; les femmes invoquent son secours en de « certaines circonstances » que le révérend n’ose préciser, mais qui doivent être à la fois la stérilité et les peines de cœur. Dans le voisinage il y a un havre appelé Porto Santa Venere. La plus ancienne église bâtie à Naples remplaça un temple dédié à Artemis ; c’est la Madone qui assuma toute la dévotion antique ; comme à Pausilippe, où elle succéda à Vénus Euplua, nom qui correspond exactement à N.-D. des Flots.

Divinisé par Adrien pour qui il était mort, Antinous fut gratifié à Naples d’un temple devenu populaire ; S. Jean-Baptiste, mort aussi pour son maître, a pris la place du favori de l’empereur. Ce seul exemple suffirait à prouver à quel point l’idée religieuse et l’idée morale sont des conceptions opposées ; elles sont souvent contradictoires. Le temple d’Auguste à Terracine est devenu avec une délicieuse facilité l’église S. Césarée. A Marsala, l’auteur de l’Apocalypse, prédestiné à ce rôle, rend les oracles au fond de l’antre d’une ancienne sibylle, et vraiment ici la naïveté confine à l’épigramme. A Monte Gargano, c’est S. Michel

  1. Cf. Sainte Venise, et voyez page 142 du présent ouvrage.