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Au temps de Tibère, on pouvait encore inventer une morale, on ne pouvait plus inventer une religion. Celles qui existaient, en Occident ou en Orient, dépassaient en beauté et en richesse toutes les imaginations qui pouvaient fermenter dans la tête d’un prophète juif ou d’un romancier gréco-latin. Ni Jésus ne fonda une religion, ni Philostrate. Mithra venait d’Orient avec un dogme complet. Bacchus et Isis attiraient à eux, avec d’immenses troupes de croyants, toutes les superstitions éparses sur des terres ravagées et durement labourées. Il y a un mollusque qui ne peut devenir un coquillage qu’en s’attribuant une carapace abandonnée ; le christianisme devint une religion en s’introduisant dans le paganisme mythologique, dont la vieillesse avait affaibli les organes intérieurs. Un apôtre, vêtu, comme un philosophe, d’une robe de hasard et tous ses poils flottant comme sous un vent prophétique, entrait dans un temple et rebaptisait le dieu séculaire. Mars devenait Martine, sans que le peuple, habitué aux nouveautés religieuses, manifestât un grand étonnement. Tant de statues surabondantes gisaient dans les villas dé-