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religion n’est tolérée par les hommes que pour son utilité pratique. C’est cette utilité qui démontre sa vérité.

« La vie était, pour les Phéniciens, dit M. Philippe Berger[1], un contrat perpétuel avec la divinité ». Mais la vie de l’homme pieux ou du croyant a toujours été un contrat tacite ou formulé, et le mystique lui-même n’échappe pas à cette nécessité, ni même le quiétiste. Il n’y a pas d’amour qui ne désire l’amour et qui ne l’exige au fond de soi : sainte Thérèse veut être aimée alors même qu’elle sacrifie ses joies à sa passion. Dans le protestantisme, c’est la foi qui remplace les oeuvres en l’un des plateaux de la balance ; on fait avec Dieu le marché qu’il sauvera l’âme qui croit en sa divinité. Cela n’est pas moins naïf, quoique plus audacieux encore, que les contrats polythéistes, car vraiment on offre alors bien peu de chose, en échange d’un bienfait, à la toute-puissante idole intellectuelle. La prière est tout au moins l’amorce d’un contrat entre l’homme et Dieu. Si Dieu accorde la grâce demandée, l’homme est tenu, sous peine de voir sa prière inexaucée à l’avenir, de se conformer aux règles établies par les prêtres ; mais il y a un accommodement.

  1. Phénicie, dans la Grande Encyclopédie.