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pour lire et commenter Denys l’Aréopagite ou Richard de Saint-Victor. Rien ne paraît médiocre en ce milieu ; la piété touche à la philosophie et la dévotion s’élève au mysticisme. Pierre étant de nouveau parti pour la Gothie, il s’établit une correspondance entre les deux fiancés ; elle est le témoin d’une amitié passionnée ; Christine révèle à Pierre que Jésus lui a promis qu’ils seraient assis l’un près de l’autre pendant toute l’éternité ; elle se répand en douceurs ; elle écrit enfantinement : « Caro, cariori, carissimo frati — Christina sua tota… » Cette correspondance s’arrête à l’an 1282 ; Christine avait 40 ans. Ensuite on ne sait plus rien de Pierre, sinon qu’il mourut en 1288, prieur de Witsby. Son amie, et c’était « ce qu’elle avait redouté comme le plus dur de ses martyres », lui survécut ; elle ne mourut qu’en 1312, ayant recouvré avec l’âge la paix physique et la paix spirituelle. Tel est, en abrégé, ce petit roman d’amour pur, exemple du platonisme pieux qui séduisit tant d’âmes élégantes en des siècles où les mœurs étaient grossières. C’est la grossièreté du siècle qui a séduit M. Huysmans et non la grâce exceptionnelle de cette Christine, ou la douceur de son ami Pierre : toutes les eaux lustrales de la pénitence n’ont pas encore lavé de son vieux natu-