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des hallucinations de tous les sens, où dominaient les impressions répugnantes et tristes ; de plus, par dévotion, elle se lacérait le corps avec des clous aigus ; elle était couverte de blessures ; son sang coulait : un jour elle donna à Pierre un de ces clous sanglants « tout chaud encore de la chaleur de son sein ». Singulières amours ! Mais nous sommes au temps et au pays d’Hildegarde, de Mechtilde et d’une autre Christine, aussi énervée, aussi languissante d’amour et de douleur ; et nous sommes au pays de Catherine Emerich, la créature miraculeuse. Il faut comprendre tous les états d’âme et connaître la diversité des désirs. Lorsque, après une absence, Pierre revint à Stommeln, il trouva Christine plus calme, simple, aimable, souriante, « pleine de grâce en ses mouvements » ; elle souffrait moins et remplissait dans la maison aisée de son père l’office d’une jeune fille accueillante et hospitalière, versant avant et après le repas l’eau de l’aiguière sur les mains des convives. Pendant ce séjour de Pierre à Stommeln, Christine devint le prétexte et le centre d’une petite académie mystique ; quelques frères prêcheurs, l’instituteur de la paroisse, Géva, l’abbesse de Sainte-Cécile, Gertrude la sœur, et Hilla, l’amie de Christine, la vieille Aléide, se réunissaient