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gaires fauves de l’Orient. Croyons fermement aux Gryphes et aux Lamies ; c’est plus amusant et peut-être plus sûr. Croyons à la Gorgone de saint Épiphane, le plus ancien des pasteurs de chimères sacrées : « la Gorgone ressemble à une belle femme ; ses cheveux blonds se terminent en tête de serpents. Toute sa personne est pleine de charme, mais la vue de sa figure donne la mort. Au temps de sa fureur, d’une voix harmonieuse, elle appelle à elle le lion, le dragon, les autres animaux ; pas un ne se rend à son appel. Enfin, elle invite l’homme. Celui-ci s’engage à s’approcher d’elle, si elle veut bien cacher sa tête ; elle le fait : on en profite pour la prendre. Avec elle on tue les lions et les dragons. Alexandre avait avec lui la Gorgone Scylla…[1] ». Elle est le symbole du péché et de la tentation.

Il ne parut pas suffisant aux exégètes trop pieux du moyen âge d’interpréter symboliquement la nature entière et quelques merveilles apocryphes ; on soumit à ce traitement la mythologie gréco-latine. C’était fort édifiant et un poème tel que celui de Philippe de Vitry (XIVe)[2], Ro-

  1. Op. cit., p. 222. Le texte grec commence ainsi : Μορφήν γαρ πόρνης κέκτηται θηρίεν ή γοργόνη.
  2. Ne pas le confondre avec Jacques de Vitry (XIIIe siècle), mystique, sermonaire et historien, qui a d’ailleurs traité, mais