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étalées aux yeux des frères pour les troubler sans doute dans leurs prières ou les distraire dans leurs lectures ? Que nous veulent ces singes immondes, ces lions furieux, ces monstrueux centaures ou semi-hommes, ces tigres à la peau mouchetée, ces soldats qui combattent, ces chasseurs qui soufflent dans leurs cors ? Ici, ce sont des corps multiples à tête unique ; là, plusieurs têtes sur un seul corps. C’est un quadrupède ayant une queue de serpent, ou un poisson portant une tête de quadrupède. Voici un animal dont une moitié représente un cheval et l’autre moitié une chèvre ; en voilà un autre ayant des cornes et se terminant en un corps de cheval. Enfin, c’est partout une telle variété de formes qu’il y a plus de plaisir à lire sur le marbre que dans les parchemins, et que l’on passe plus volontiers les journées à admirer tant de beaux chefs d’œuvre qu’à étudier et à méditer la loi divine[1].

On a reconnu dans cette description quelques-uns des dubia animalia si consciencieusement décrits dans les bestiaires et figurés dans les cathédrales, le Tragelaphus, le Gryphe, l’Ixus, le Myrmécoléon, le Phénix, les Faunes, les Satyres, les Sirènes, les Lamies, les Onocentaures, la Licorne. D’accord, non plus avec la tradition et avec Samuel Bochart (dans son Hierozoicon ou Faune Sacrée), mais avec l’interprétation rationaliste, M. Huysmans identifie ces monstres, la plupart mentionnés par la Bible, avec les vul-

  1. Cité par Ch. Gidel. Sur un poème grec inédit intitulé : O ΦΓΣΙΟΛΟΓΟΣ (Annuaire de l’Association des études grecques, 1873).