Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/16

Cette page n’a pas encore été corrigée

sont de vaines esquisses. La question est si complexe qu’on ne sait par où l’aborder ; elle a tant de pointes et c’est un tel buisson de ronces et d’épines qu’au lieu de s’y jeter on en fait le tour ; et c’est prudent.

Ecrire, mais alors au sens de Flaubert et de Goncourt, c’est exister, c’est se différencier. Avoir un style, c’est parler au milieu de la langue commune un dialecte particulier, unique et inimitable et cependant que cela soit à la fois le langage de tous et le langage d’un seul. Le style se constate ; en étudier le mécanisme est inutile au point où l’inutile devient dangereux ; ce que l’on peut recomposer avec les produits de la distillation d’un style ressemble au style comme une rose en papier parfumé ressemble à la rose.

Quelle que soit l’importance fondamentale d’une œuvre « écrite », la mise en œuvre par le style accroît son importance. C’était l’opinion de Buffon, que toutes les beautés qui se trouvent dans un ouvrage bien écrit, « tous les rapports dont le style est composé sont autant de vérités aussi utiles et peut-être plus précieuses pour l’esprit humain que celles qui peuvent faire le fond du sujet ». Et c’est aussi, malgré le dédain commun, l’opinion commune, puisque les livres de jadis qui vivent encore ne vivent que par le style.