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tout pareil à l’idéal démocratique : c’est le groupe scolaire, et ni l’une ni l’autre de ces inspirations n’est capable de produire un bâtiment égal en beauté à la grange où, au XIIIe siècle, les cisterciens de Lisseweghe serraient leurs moissons[1]. Il est d’ailleurs fréquent que les abbayes cisterciennes soient, au contraire, d’une nudité presque désolée. Saint Bernard, en réformant l’ordre de Cîteaux, qui est devenu la Trappe, n’eut aucunement l’intention de permettre le déploiement de grandioses architectures ; fidèle en cela au pur esprit évangélique, il réprouva le luxe et méprisa l’art, comme plus tard saint François d’Assise. Chaque fois que le christianisme, par les moines ou par les révolutionnaires, voulut s’astreindre à plus de conformité avec l’enseignement apostolique, il dut rejeter tout ce qu’il y avait de païen, de beau et, par conséquent, de sensuel dans la religion romaine. Il n’y a pas d’art chrétien ; les deux mots sont contradictoires, et voilà pourquoi, même en un livre presque de dévotion, si l’on parle de

  1. Ce beau morceau d’architecture est figuré dans les Éléments d’Archéologie chrétienne, de Reusens ; Louvain, 1886, p. 496. L’auteur dit avec raison : « On voit que les constructeurs du XIIIe siècle s’entendaient parfaitement à donner un aspect monumental même aux édifices dont la destination n’est que secondaire ».