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de la barbarie et, pour tout dire, la croix aurait été un fléau aussi affreux et aussi destructeur que le croissant ; les deux filles de la Bible auraient couvert le monde de ruines, de troupeaux et de tentes en poil de chameau. C’était le métier de saint Paul de tisser des tentes : jamais métier ne symbolisa mieux le caractère d’un homme. Le premier soin des chrétiens qui voulurent ramener la religion à sa candeur première fut l’iconoclastie la plus furieuse. Zwingle, à Zurich, fit briser les verrières, rompre les statues, brûler les missels enluminés. En entrant dans l’église de Tous-les-Saints, à Wittenberg, Carlostadt cria le verset du Deutéronome : « Tu ne feras point d’images taillées ! », signal de dévastation immédiatement compris de la plèbe qui suivait le triste énergumène.

Je me souviens de n’avoir pu voir sans émotion ce que les calvinistes de Hollande ont fait de leurs cathédrales. Tous ceux qui sont entrés à Saint-Laurent de Rotterdam savent que le christianisme, dès qu’il prétend à retourner à la simplicité évangélique, se complaît, non dans l’austérité, mais dans la banalité : une salle de conférences à vitres et à gradins, voilà ce que les Barbares prétendaient faire de Notre-Dame de Chartres. L’idéal chrétien, en architecture, est