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ce qui est vivant qu’il meure de son isolement ; à son rang dans une des niches symboliques le long de la grande galerie, il suggère des idées d’apprentissage et d’outillage ; il éloigne de lui les vocations impromptues ; il est sévère et décourageant.

Le métier d’écrire est un métier ; mais le style n’est pas une science. Le style est l’homme même et l’autre formule, de Hello, le style est inviolable, disent une seule chose : le style est aussi personnel que la couleur des yeux ou le son de la voix. On peut apprendre le métier d’écrire ; on ne peut apprendre à avoir un style ; on ne peut teindre son style comme on teint ses cheveux, mais il faut recommencer tous les matins et n’avoir pas de distractions. On apprend si peu à avoir un style qu’au cours de la vie souvent on désapprend ; quand la force vitale est moindre on écrit moins bien ; l’exercice, qui améliore d’autres dons, gâte parfois celui-là.

Écrire, c’est très différent de peindre ou de modeler ; écrire ou parler, c’est user d’une faculté nécessairement commune à tous les hommes, d’une faculté primordiale et inconsciente. On ne peut l’analyser sans faire toute l’anatomie de l’intelligence ; c’est pourquoi, qu’ils aient dix ou dix mille pages, tous les traités de l’art d’écrire