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pable de trouver dans la vie : l’oubli, au moins accidentel, des vulgaires ennuis de la vie.

La plupart des romans didactiques pèchent également par l’insuffisance et par l’inexactitude. A l’insuffisance, il faut se résigner ; un roman n’est pas un traité. Si, dans A Rebours, au lieu de se borner à résumer, en une phrase pittoresque et juste, les appréciations motivées et savantes des deux premiers volumes d’Ebert, le romancier avait passé deux ans à lire lui-même les poètes qu’il vantait, l’abondance des documents l’eût peut-être incliné à donner à cette partie de son livre une ampleur désagréable ; et si, pour écrire l’histoire de Gilles de Rais, il lui avait fallu compulser lui-même les archives, déchiffrer les originaux du procès, Là-bas serait peut-être encore sur le chantier. L’insuffisance de la documentation dans un roman didactique ou historique est donc une des conditions de l’exécution même du roman et, d’autre part, ce qu’on y perd de science ou d’histoire, l’art peut le compenser si bien que le lecteur le plus exigeant s’y trouve satisfait ; c’est ce qui arriva pour Là-bas, où il y a des chapitres admirables, supérieurs par la puissance de l’incantation verbale aux pages trop déclamatoires de la Sorcière. L’inexactitude serait un défaut plus grave ;