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n’a pas entièrement tué l’imagination ; ou qui, incapables d’user alternativement de leurs lectures et de leurs inventions, se résignent à entremêler la fiction et le document ; ou encore qu’un besoin de prosélytisme porte à choisir pour messager d’un enseignement, d’une morale, de vérités peu amènes, la nef des Argonautes ou le cheval des Quatre Fils Aymon. Il y a un peu de ces trois causes dans le didactisme invétéré de M. Huysmans ; mais surtout, si, lorsqu’il écrit ses livres, il n’y mettait pas ses lectures, il n’aurait rien à y mettre ; chez lui l’imagination est plutôt soutenue que découragée par le document ; sans ce cordial elle tomberait vite aux récriminations d’A vau l’eau, roman que la moelle de quelque vieux traité de cuisine suffirait peut-être à rendre tout à fait représentatif d’un caractère. Que M. Folantin, entre deux repas vagues, médite sur une page du « Cuisinier royal » ou du « Paticier François », et nous avons un livre du type même de la Cathédrale. Sur les seize chapitres de ce dernier roman, deux commencent et trois finissent par des considérations de ménage ou de cuisine. Ses tentatives d’érudition ne pouvaient donc influencer que très heureusement M. Huysmans en lui montrant, dans les livres, ce qu’il aurait toujours été inca-