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couragé, il se sentit atteint de ce dégoût des phrases vaines qui jadis avait aussi touché Jean Racine ; lorsqu’il créa, pour son usage propre, une nouvelle syntaxe, lorsqu’il usa des mots selon des rapports nouveaux et secrets. Stéphane Mallarmé a relativement beaucoup écrit, et la plus grande partie de son œuvre n’est entachée d’aucune obscurité ; mais, dans la suite et la fin, à partir de la Prose pour des Esseintes, s’il y a des phrases douteuses ou des vers irritants, un esprit inattentif et vulgaire redoute seul d’entreprendre une conquête délicieuse. Il y a trop peu d’écrivains obscurs en français ; ainsi nous nous habituons lâchement à n’aimer que des écritures aisées, et bientôt primaires. Pourtant il est rare que les livres aveuglément clairs vaillent la peine d’être relus ; la clarté, c’est ce qui fait le prestige des littératures classiques et c’est ce qui les rend si clairement ennuyeuses. Les esprits clairs sont d’ordinaire ceux qui ne voient qu’une chose à la fois ; dès que le cerveau est riche de sensations et d’idées, il se fait un remous et la nappe se trouble à l’heure du jaillissement. Préférons, comme X. Doudan, les marais grouillants de vie à un verre d’eau claire. Sans doute, on a soif, parfois ; eh bien, on filtre. La littérature qui plaît aussitôt à l’universalité